Veiller à l’exactitude de la lettre d’intention

Veiller à l’exactitude de la lettre d’intention

Une lettre d’intention précise peut aider les acheteurs et les vendeurs à maximiser la valeur d’une opération de fusion et acquisition.

October 01, 2018

La lettre d’intention est un document important de toute transaction commerciale. Jonathan Minnen, associé au cabinet d’avocats Smith, Gambrell & Russell, LLP, et Chris Hannah, vice-président de Stout, se sont réunis pour donner leur avis sur le sujet, tant du point de vue juridique que dans la perspective des services de banque d’investissement.

« Je suis ravi que nous ayons obtenu la signature de cette lettre d’intention ; envoyons-la maintenant aux avocats pour gérer la paperasse. »

Ce sentiment courant démontre combien la lettre d’intention (ou LOI, Letter of Intention) (parfois aussi appelée « protocole d’entente » ou « MOU, Memorandum of understanding »), fait souvent l’objet d’une perception erronée, en particulier par les vendeurs lors de l’acquisition d’une entreprise. Les parties ont souvent recours à une lettre d’intention pour confirmer uniquement les principaux éléments commerciaux d’une acquisition proposée (tels que le prix d’achat et le mode de paiement), accorder une période d’exclusivité à l’acheteur et éventuellement indiquer les délais de validité des déclarations et des garanties.

Toutefois, en n’abordant pas dans la lettre d’intention d’autres questions critiques qui doivent être discutées au fur et à mesure du déroulement des négociations, le vendeur risque de laisser sur la table une valeur économique substantielle et de compromettre des opportunités stratégiques. Ainsi, un vendeur participant à la vente d’une société privée est bien avisé de faire appel à des conseillers juridiques et comptables lors de la négociation et de la rédaction de la lettre d’intention. Il est important de garder à l’esprit que toutes les acquisitions ne sont pas accompagnées d’une lettre d’intention. Il est parfois possible que les parties négocient directement un contrat d’achat définitif. Toutefois, dans le cadre des transactions importantes, l’approche la plus courante consiste à établir une lettre d’intention avant la rédaction du contrat d’achat.

Importance des lettres d’intention pour les vendeurs

La lettre d’intention est la première étape formelle de la négociation pour l’acheteur et le vendeur, dictant en définitive le ton et le rythme auxquels vont se dérouler les événements jusqu’à la conclusion de la transaction. La réponse du vendeur à une lettre d’intention est généralement dictée par le projet initial de lettre d’intention rédigé par l’acheteur. Bien que les acheteurs préfèrent utiliser des formules minimales et souvent vagues concernant les principales conditions de la lettre d’intention, il est conseillé au vendeur d’aborder tous les sujets susceptibles de devenir des éléments de négociation ou dont la documentation exhaustive peut nécessiter un temps significatif.

À moins que la société du vendeur ne possède des actifs uniques, tels qu’une technologie, une propriété intellectuelle, une marque, des parts de marché ou un territoire exclusif, le vendeur aura probablement le plus d’influence pendant la négociation de la lettre d’intention. Le pouvoir de négociation du vendeur s’érodera souvent à partir de ce moment-là. Cela est dû au fait que, dans le cadre des transactions impliquant des sociétés privées, la plupart des lettres d’intention contiennent une clause d’exclusivité ; en d’autres termes, le vendeur ne pourra parler à personne d’autre de sa cession potentielle pendant la période d’exclusivité.

En bref, l’acheteur retire la société cible du marché et les autres acheteurs potentiels peuvent s’intéresser à d’autres opportunités. Quand l’annonce de la signature d’une lettre d’intention par le vendeur est connue (même si les conditions sont confidentielles), si la transaction ne se conclut finalement pas, certains peuvent en déduire que l’acheteur a découvert des choses qui l’ont dissuadé de conclure la transaction. Qu’elles soient avérées ou pas, ces déductions peuvent avoir un impact négatif sur la capacité du vendeur à trouver un autre acheteur au même prix.

Malgré les clauses de confidentialité, l’annonce de la lettre d’intention peut faire l’objet de fuites, entraînant d’autres complications. Les employés et les clients peuvent s’inquiéter de la possibilité d’un changement et commencer à s’intéresser à d’autres entreprises. Un vendeur peut aussi s’attacher émotionnellement à l’idée de la vente et commencer à penser au produit de la vente ou, s’il est propriétaire de l’entreprise, à d’autres activités (notamment la retraite). Tous ces facteurs font qu’un vendeur peut avoir du mal à résister aux exigences de l’acheteur après avoir signé la lettre d’intention. L’expression « devenir pieds et poings liés au contrat » est juste.

Les acheteurs avertis le savent. Ils souhaitent atteindre ce stade auprès d’un vendeur le plus rapidement possible et conserver le maximum de flexibilité pour rédiger le contrat d’achat en leur faveur. Ils y parviennent en partie en commençant par une lettre d’intention courte et générale, qui reporte à plus tard les détails en employant des termes vagues pratiques d’une manière susceptible de défavoriser le vendeur. Par exemple, laisser un problème « à convenir d’un commun accord entre l’acheteur et le vendeur dans le contrat d’achat définitif » illustre une telle approche. Une expression encore plus favorable à l’acheteur stipule que « le contrat d’achat définitif contiendra des déclarations, des garanties, des engagements, des clauses d’indemnisation et des conditions de clôture habituelles dans le cadre des transactions de cette nature ».

Utilisation d’une lettre d’intention pour maximiser l’effet de levier du vendeur

Les vendeurs sont bien avisés de saisir l’occasion, avant de céder leur position optimale pour négocier, d’insister sur la rédaction d’une lettre d’intention plus complète, qui aborde les principaux aspects de la transaction.

Dans le cadre d’un appel d’offres, nous recommandons que le vendeur compare toutes les lettres d’intention reçues avant de demander la révision de conditions, afin de déterminer les points communs entre les conditions des différents soumissionnaires et les conditions défavorables des principaux soumissionnaires pouvant devenir des éléments de négociation. Une stratégie courante à mettre en œuvre consiste à dresser un tableau de référence détaillé illustrant les points faibles de chaque soumissionnaire par rapport aux autres lettres d’intention reçues. Discuter avec les acheteurs préférés de leurs lacunes respectives est une technique de négociation globale qui montre aux acheteurs qu’ils sont évalués par rapport aux autres soumissionnaires et qu’il leur est demandé d’améliorer les conditions spécifiques de la lettre d’intention afin qu’elles soient plus conformes à la norme du marché. Naturellement, leur volonté d’améliorer leur offre doit également être soupesée par rapport à leur prix initial.

Autres leviers de positionnement

Diverses clauses peuvent être incluses dans la lettre d’intention pour protéger un vendeur pendant la période d’exclusivité et tout au long de la période de diligence. Les vendeurs et leurs conseillers doivent concevoir une stratégie qui détermine les conditions de la lettre d’intention nécessitant une terminologie supplémentaire afin d’assurer la protection du vendeur, tout en gardant à l’esprit qu’un trop grand nombre de révisions peut ralentir le processus et mettre la lettre d’intention en péril. Il est primordial de parvenir à un juste équilibre.

Les points suivants peuvent potentiellement renforcer la position du vendeur s’ils sont mieux définis dans la lettre d’intention. En outre, ils peuvent être appliqués dans le cadre d’une étape qui, une fois terminée (ou suffisamment terminée pour le vendeur), accorde à l’acheteur une exclusivité permanente jusqu’à la prochaine étape ou jusqu’à la conclusion de la transaction.

ÉTAPES PROGRESSIVES DE LA PÉRIODE D’EXCLUSIVITÉ

Plutôt que de prévoir simplement une période d’exclusivité de 60 à 90 jours, le vendeur peut proposer un ou deux jalons pour permettre à l’acheteur de bénéficier d’un délai d’exclusivité supplémentaire. Après mûre réflexion, le vendeur peut définir une étape qui permet essentiellement de mettre fin à l’exclusivité si l’acheteur a des difficultés à exécuter la transaction aux premières phases. Une interruption rapide permettra au vendeur de reprendre les négociations avec d’autres soumissionnaires sans préjudice.

FINANCEMENT

Dans les lettres d’intention, les acheteurs devraient être tenus de fournir une forme quelconque d’engagements en matière de financement afin de s’assurer qu’ils disposent des moyens nécessaires pour s’acquitter de leur obligation de financement.

CALENDRIER DE LA PÉRIODE DUE DILIGENCE

Il est conseillé aux vendeurs de définir la durée et le type d’accès qu’ils fourniront à un acheteur. L’acheteur demandera généralement un intervalle pendant lequel il pourra se réunir avec les membres de la direction ou organiser des séances de questions/réponses par téléconférence. Le vendeur doit ajouter à cela des dates indicatives pour les visites sur site et, le cas échéant, identifier le personnel de direction qui participera aux discussions de période de due diligence.

FONDS DE ROULEMENT

Définir les comptes de fonds de roulement qui doivent être inclus dans le calcul du PEG des fonds de roulement[1] peut être subjectif, ce qui peut entraîner un retard significatif. Encore une fois, le vendeur a le plus de poids pour négocier un résultat favorable pour les fonds de roulement avant la signature d’une lettre d’intention. Des efforts devraient être déployés pour convenir conceptuellement d’une formule ou d’un mécanisme permettant de déterminer les fonds de roulement en maintenant l’acheteur et le vendeur dans un même plan.

RECOUVREMENT DES DÉPENSES/FRAIS DE RUPTURE

Bien que l’acheteur assume la majorité des coûts liés aux contrôles de période de due diligence pendant la période d’exclusivité, le vendeur assumera quelques frais de conseil et d’avocat. Bien qu’elle soit minime par rapport à l’importance globale de la transaction, l’inclusion d’une clause de recouvrement des dépenses du vendeur empêche les acheteurs de signer une lettre d’intention, sauf si elle est pleinement engagée et assure le recouvrement des coûts si les acheteurs décidaient de mettre fin à la transaction. Si un acheteur n’accepte pas cette clause, une structure de partage des frais de rupture entre les deux parties peut généralement être convenue.

FORME OU STRUCTURE DE LA TRANSACTION

Si le prix de l’acquisition d’une entreprise est convenu dans la lettre d’intention, la forme et la structure de la transaction doivent également être spécifiées. Il est courant qu’un acheteur préfère acquérir les actifs de la société et certains éléments de passif pour atteindre une base d’imposition renforcée et éviter les passifs inconnus, par opposition à une transaction sur actions offrant généralement des traitements fiscaux favorables au vendeur, mais pas pour l’acheteur. Les vendeurs peuvent inclure dans une lettre d’intention une formule qui les protège d’une responsabilité fiscale potentiellement plus importante.

ENGAGEMENT VISANT À GARANTIR LES OBLIGATIONS D’INDEMNISATION DU VENDEUR

Une période de validité générale des déclarations et garanties comprise entre six mois et trois ans est considérée comme normale, en fonction de la nature de l’entreprise vendue et de la transaction en question. Mais on peut s’attendre à ce qu’un acheteur essaie de définir une période aussi longue que possible, notamment sur certains aspects « fondamentaux » qui auraient une durée de validité encore plus longue. Pour un vendeur, la négociation de la lettre d’intention est le meilleur moment pour quantifier (et limiter) les éléments qui figureront dans cette liste des déclarations et garanties fondamentales. La période de validité doit être définie dans la lettre d’intention et indiquer à la fois la durée de l’engagement et les éléments spécifiques qui seront utilisés pour résoudre les réclamations. Les constatations des contrôles de période de due diligence peuvent toutefois conduire à renégocier de manière substantielle l’engagement et la validité des déclarations et des garanties.

CESSION DES CONTRATS

Dans le cas d’une transaction sur actifs, l’acheteur peut stipuler la cession de tous les contrats client et fournisseur en tant que condition de la conclusion de la transaction. Si le volume des contrats est important, le vendeur doit adapter la formulation de manière à inclure les contrats clés (pouvant être définis et convenus séparément) à céder à la conclusion de la transaction comme une condition préalable à la conclusion, tandis que les autres contrats seront cédés « dans la mesure du possible ». Un acheteur averti inclura la formule contraignante « tous les contrats », sachant que cette condition sera difficile à respecter pour un vendeur et lui permettra, en fin de compte, de pouvoir résilier la transaction s’il le souhaite ultérieurement.

Les lettres d’intention peuvent faire la différence lors de l’accord final

Pour un vendeur, la lettre d’intention fournit souvent le point de levier de négociation maximal pour insérer quelques expressions ou phrases pouvant marquer une différence significative dans la transaction globale. Les conseillers professionnels expérimentés ont un rôle extrêmement utile à jouer, et les vendeurs avisés tireront pleinement parti de cette occasion essentielle de renforcer leur position dans le cadre de transactions stratégiques et, ainsi, d’augmenter leurs bénéfices.

Une version antérieure de cet article a été publiée dans l’édition de l’hiver 2017 de Trust the Leaders, publication juridique trimestrielle produite par Smith, Gambrell & Russell, LLP.

Co-écrit par : 

Jonathan M. Minnen
Associé, Smith, Gambrell & Russell, LLP
+1.404.815.3658
jminnen@sgrlaw.com


  1. Estimation calculée sur la base de moyennes historiques normalisées.